Rendre leur savoir aux hommes et aux femmes dans les organisations Publié le : 25 décembre 2012
Une Caisse de Retraite Régionale m’a invitée il y a quelques semaines à animer un séminaire autour du thème « Comment gérer les situations délicates ».
Chaque année une journée de séminaire est organisée à l’intention de la centaine de cadres de direction de cette organisation autour d’un thème censé les aider dans leurs fonctions managériales.
La journée a commencé de manière conventionnelle par le discours du Président donnant la vision, les objectifs et les défis pour l’année à venir et a continué sous forme d’ateliers avec plusieurs intervenants.
Pour ma part, j’avais deux heures afin d’aborder le thème. Deux heures pour répondre à la question: « Comment gérer les situations délicates ? ». En acceptant ce défi, je me mettais moi-même dans la posture de devoir gérer une situation délicate, car je ne suis pas une spécialiste de la résolution des problèmes et je n’avais aucune réponse d’expert à la question posée.
Mais le DRH, que j’avais déjà rencontré autour d’une «journée découverte des Pratiques Narratives», souhaitait que j’aborde ce thème à la manière narrative. Quand je me suis retrouvée face au groupe, j’avais en face de moi des personnes qui visiblement attendaient que je leur dise comment faire dorénavant pour gérer les situations délicates. Avec moi, ils étaient mal tombés.
Je leur ai dit: « je suis votre formateur, mais c’est vous qui allez m’apprendre. Je comprends que cela peut être un peu déstabilisant pour certains d’entre vous, mais c’est comme cela que je vous propose d’avancer ».
Je leur ai donné comme consigne de se tourner vers leurs collègues, de constituer des groupe de quatre ou cinq personnes, au sein desquels chacun à tour de rôle raconterait une situation délicate récente qu’il ou elle avait réussi à bien gérer. Pas forcément une situation extraordinaire: cela pouvait être juste un coup de fil qu’on a enfin pu passer. Chacun termine son histoire en répondant à la question « Qu’est-ce qui m’a permis d’y arriver ? » et note sa réponse sur des post it, une chose – par exemple: patience, diplomatie… – par post it.
Ils sont revenus au bout de trois-quarts d’heure avec leurs post-it et nous en avons tapissé tout un mur.
Alors, j’ai pu leur présenter les Pratiques Narratives en trois points :
1. Ce sont les gens qui ont le savoir. La preuve ce mur constellé de post-it représentant leur savoir.
2. Le savoir est encodé dans des histoires. Si on ne raconte pas d’histoire, on n’a pas accès au savoir.
3. Ce qui va bien n’est jamais histoirisé. On histoirise plus facilement ce qui ne marche pas. D’où l’intérêt de se raconter des histoires de réussite.
Je leur ai dit: « C’est vous les experts des situations délicates. Et pourtant, quand on vous met dans un séminaire qui a pour titre « Comment gérer les situations délicates », on présuppose que vous ne savez pas le faire.
Je leur ai cité le philosophe Michel Foucault qui a beaucoup inspiré Michael White, l’initiateur des Pratiques Narratives. Michel Foucault a dit notamment : « Ce qui ralentit l’apprentissage, c’est quand on met des cloisons entre les gens. Quand les gens gardent ce qu’ils savent pour eux ».
La question maintenant :
– Qu’est-ce que vous voulez faire de ce savoir qui est un référentiel génial ?
Pour l’heure qui restait, nous avons décidé que chaque groupe irait se promener une dizaine de minutes devant les post-it pour voir la production des autres groupes et qu’ensuite il se remettraient ensemble quinze minutes pour discuter :
– Qu’est-ce qu’il y a de commun entre toutes ces productions ?
– Qu’est-ce qu’il y a de différent ?
– Qu’est-ce que vous en tirez comme conclusion ?
– Comment cela pourrait-il vous aider demain à aborder différemment ce genres de situations ?
Une personne de chaque groupe a été ensuite invitée à venir rapporter en grand groupe le fruit de leurs réflexions. C’était très riche et simple à mettre en place.
Les managers ont tous appréciés. Qu’on sollicite leurs savoirs et qu’ils puissent partager des histoires de réussites les avait dynamisés.
Rendre leur savoir aux personnes nécessite que le formateur mette de côté le sien. La posture du formateur narratif est une posture d’ignorant. Ignorant dans le sens que c’est l’autre qui sait, qui est expert de sa vie professionnelle.
Dina Scherrer
Publié le : 25 décembre 2012 | 2 commentaires | Partager/Mettre en favoris
nouvel essai
Chère Dina merci pour le retour de cette expérience!
Elle est le reflet d’un des points forts de la pratique narrative à savoir ne jamais oublier que la personne a tous les outils pour gérer les problèmes, il suffit simplement de l’aider à les mettre en pleine lumière!! «