Chaque individu possède en lui la ressource de développer des histoires qui le rendront plus fort

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Le regard pygmalion Publié le : 12 août 2012

Qui n’a pas un jour le souvenir d’avoir senti se poser sur lui ce regard aimant et bienveillant ? – Ce regard qui réchauffe le cÅ“ur. Ce regard plein d’espoir qui donne envie de se surpasser, qui donne confiance en soi et en l’avenir.

Ce regard qui sauve aussi parfois en venant contredire toutes les mauvaises histoires que l’on raconte ou que l’on se raconte sur nous.

Pour ma part, il y a eu ce regard d’amour inconditionnel que ma mère a toujours posé sur mes frères et sœurs et sur moi. Elle était un miroir formidable pour notre construction. Et nous aimions l’image que reflétait de nous ce miroir. Une image qui nous rendait forts et audacieux. Encourageant tous nos efforts, valorisant nos moindres petits pas dans la vie. Vantant nos mérites à tout son entourage. Nous n’avions de cesse que de vouloir l’épater, lui prouver qu’elle avait raison de croire en nous. Elle a une mémoire impressionnante concernant toutes nos réussites même dérisoires. Et elle sait très bien nous en nourrir quand il le faut. Aujourd’hui encore je me surprends, quand une jolie chose m’arrive, à m’en flatter auprès d’elle. En faisant cela, je sais que le souvenir de ma réussite sera bien gardé. Elle est en quelque sorte la gardienne de nos trésors.

Quand je suis contrariée ou triste, quand une de mes histoires dominantes à problème vient me visiter, il n’est pas rare que j’aille me réfugier à nouveau dans son regard. Je l’appelle, on parle de tout et de rien, souvent du temps qu’il fait, et cela suffit à me reconnecter avec mes histoires préférées.

Nous avons une histoire avec chacune des personnes que nous connaissons ou que nous avons connues. Certaines de ces personnes ont eu une influence positive dans notre vie. Ces personnes ont été les témoins de certaines de nos histoires de compétences. Elles nous ont vus oser des choses, gravir les échelons, prendre des risques, etc. Souvent, nos clients, en situation de stress, perdent de vue leurs compétences. Ils ne se sentent plus «capable de». D’où l’importance de les aider à faire revenir au premier plan les témoins qu’un jour «ils ont su faire».

En narrative, c’est ce que l’on appelle le Club de vie. Nous allons volontairement chercher des personnes qui ont une influence positive dans la vie de notre client, des personnes qui ne seraient pas étonnées qu’il soit capable d’atteindre son objectif. Quand j’accompagne une personne, aborder le club de vie est toujours une étape importante.

Je pense notamment à Hugo un jeune homme que j’ai accompagné récemment. Hugo a vingt ans. Il a eu une scolarité très chaotique, a redoublé deux fois et s’est retrouvé déscolarisé une année avant de passer son bac professionnel. Aujourd’hui, il aimerait bien travailler mais il a conscience qu’avec son bac pro en poche ce sera un peu plus facile pour lui. Seulement, il a une histoire tellement difficile avec l’école qu’il ne croit pas possible pour lui d’avoir ce bac. En venant me voir, son objectif est de trouver la force de faire cette dernière année d’étude pour aller le décrocher. Mon travail avec Hugo, dans un premier temps, a été d’écouter ses plaintes vis-à-vis de l’école et de l’aider à regagner en confiance en lui.

Il y a eu une étape décisive dans notre travail avec Hugo quand je lui ai demandé de se rappeler un professeur, dans toute sa scolarité, qui un jour a posé un regard bienveillant sur lui, qui a cru en lui. Hugo m’a tout d’abord répondu spontanément: aucun. J’ai un peu insisté en lui demandant de se souvenir de toutes les étapes de sa scolarité, et tout d’un coup, il m’a dit « Oui, il y a bien une maîtresse, quand j’étais en maternelle. Mais c’est trop loin tout ça ».
Je lui ai demandé de me parler de cette maîtresse. Il se souvenait précisément de tout. Son nom – Mme Martin – sa voix douce et gentille, ce qu’elle leur faisait faire. En me parlant d’elle, Hugo s’est illuminé. Je lui ai demandé : Qu’est-ce que Madame Martin a bien pu faire pour que tu gardes d’elle un si bon souvenir ? « Elle était gentille avec moi. Elle trouvait que je dessinais bien. Elle me le disait souvent ». «A ton avis, qu’est-ce qui faisait qu’elle était gentille avec toi ?» « Je ne sais pas. Je me souviens juste que j’étais toujours avec elle, à côté d’elle. Peut-être qu’elle me trouvait gentil aussi. Ma mère m’a dit que j’aimais bien aller à l’école en ce temps-là. Que j’aimais bien apprendre ».

Nous avons passé une séance entière à parler de Madame Martin. Je voulais tout savoir dans les moindres détails. J’avais dans l’idée que plus la description serait riche, plus Mme Martin s’incarnerait et deviendrait ressource pour Hugo.

A la fin de la séance, j’ai demandé à Hugo : Qu’est-ce que cela te fait de parler de Mme Martin comme on vient de le faire ? Qu’est-ce que le fait de te souvenir de ton lien avec Mme Martin te donne comme espoir pour cette dernière année d’étude ? Si tu pouvais te regarder avec les yeux de Mme Martin, quelle image aurais-tu de toi ? A ton avis, que te dirait Mme Martin sur ta capacité à avoir le bac ? Est-ce que tu penses que de penser à Mme Martin quand ce sera trop dur pour toi pourrait t’aider ?

La confiance d’Hugo est montée en flèche pendant cette séance. En se reconnectant à Mme Martin, il est sorti de son isolement. Il avait remis en pleine lumière une personne qui a compté positivement pour lui dans son parcours scolaire, une personne qui porte la mémoire d’une partie de ses compétences. En se reconnectant à elle, il s’est reconnecté à une autre histoire que celle de l’échec.

Découvrir qu’un jour il a aimé apprendre est une exception face à son histoire de mauvais élève. Quand une première exception émerge, d’autres deviennent plus facilement accessibles. Une exception est une exception mais deux exceptions c’est le début d’une nouvelle histoire.

Redonner de l’importance à toutes les personnes qui contribuent ou ont contribué positivement à notre vie est un magnifique moyen pour aller à la rencontre des exceptions, de celles qui finissent par déstabiliser nos histoires de problème jusqu’à retrouver l’espoir.

Dina Scherrer

Publié le : 12 août 2012 | 3 commentaires | Partager/Mettre en favoris


3 Commentaires sur l'article “Le regard pygmalion”

  1. 1 Stéphane a dit à 8 h 02 min le août 13th, 2012:

    Hello Dina,

    Pendant ma semaine de congés je n’ai pas beaucoup lu, mis à part le chapitre du livre de Michael White consacré à la pratique du Club de vie.

    Impossible de ne pas voir en quoi cette pratique est restauratrice d’une tradition humaine qui continue de couver sous la cendre.

    La chaleur du regard de ta mère sur ses enfants et celle de Mme Martin sur Hugo. Le chaleur du regard maternel. Celui qui réchauffe le coeur, qui ravive l’espoir, qui donne confiance.

    Cette chaleur est aussi celle d’un climat, celui qui règne en Afrique du Nord. Le regard de ta mère sur ses enfants est aussi un regard inscrit dans une tradition et une culture chaleureuses. Ce regard a aussi une histoire de mélange des cultures.

    Dans certaines cultures, celle de l’Occident par exemple, l’identité est d’abord et avant tout individuelle. Dans d’autres, exemple des Aborigènes d’Australie, elle d’abord et avant groupale, c’est à dire qu’une personne se conçoit et se vie d’abord en tant que membre d’un groupe. Entre ces deux extrêmes, existent des centaines de combinaisons possibles.

    Le regard de ta mère sur ses enfants s’inscrit dans une tradition différente. Le Club de vie, c’est l’antidote des pratiques culturelles de séparation et d’oubli du lien groupal, celui qui relit une personne à une famille, un groupe, un clan, une tradition, un blason ou à un totem. La force qui est puisée dans le Club de vie est celle de la part de nous-même qui existe en relation avec d’autres personnes qui comptent pour nous, notre identité groupale.

    Elle soude et tisse de la reconnaissance, de la confiance ou de la tendresse. Elle est vivante dans le regard de ta mère sur toi. Je ne serai pas étonné qu’elle soit aussi à l’oeuvre dans le regard que tu portes sur tes enfants, voire sur celui que tu portes sur les adolescents que tu accompagnes. Tu es dans leur Club de vie.

  2. 2 Thierry a dit à 15 h 00 min le août 13th, 2012:

    Une lecture qui fait du bien. Car, ce que l’on voit davantage à l’oeuvre, hélas! c’est l’autre regard, celui qui ironise, juge, repousse, condamne, décrédibilise, exclut… Le regard du bon Pygmalion est d’utilité publique!

  3. 3 Pelotin a dit à 18 h 55 min le octobre 10th, 2012:

    C est tellement vraie !
    Mais peu de gens y pensent… Dommage ..
    Carole
    Merci pour ce beau texte.


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