« Un privé à Babylone » Un roman au service de la narrative Publié le : 27 novembre 2010
Depuis que j’accompagne des jeunes en décrochage scolaire, il apparait qu’une de leurs principales difficultés – hormis  de devoir résister à ce qu’ils appellent « la concurrence aux devoirs » : Facebook, la télévision, les jeux vidéos, les sorties avec les amis – est de réussir à se concentrer suffisamment longtemps pour pouvoir travailler seuls, chez eux, le soir.
C’est le cas de Lucas, un jeune homme de seize ans que j’accompagne, qui après avoir redoublé 2 fois se retrouve en seconde avec un bulletin de deuxième trimestre qui laisse présager peu de chance qu’il passe en première. Il est même envisagé de le changer d’établissement afin de lui faire intégrer une première technologique.
Pour Lucas, c’est hors de question : il veut passer en première ES. Mais, il ne comprend pas pourquoi il n’y arrive pas. Il se sent décalé, incompris. Or, c’est un jeune homme extrêmement intelligent et qui a beaucoup d’humour. Il me raconte comment il s’y prend pour travailler. Il me dit se mettre devant sont bureau, dans sa chambre et y passer trois heures. Mais que, sur ces trois  heures, il n’arrive généralement à travailler… qu’un quart d’heure.  Je lui demande ce qu’il fait le reste du temps. Il me répond « rien ». Alors, je lui demande à nouveau : « Et qu’est-ce que tu fais quand tu ne fais rien ? ». « Je pense ». Et moi d’insister: « Et tu penses à quoi ? ». Et lui :  « A plein de choses, je ne sais pas moi !».Â
Pour aider Lucas, je lui ai parlé d’un livre que j’avais lu et qui m’avait beaucoup plu.  Il s’agit d’« Un privé à Babylone »,  de Richard Brautigan. C’est un polar qui raconte avec beaucoup d’humour l’histoire d’un détective privé à qui rien ne réussit vraiment dans la vie, sauf quand il se projette dans « Babylone », une ville qu’il s’est inventée et où tout lui réussit. Dès qu’il le peut, il pense à Babylone et, là -bas, il est toujours aimé, respecté, reconnu. Mais de penser à Babylone lui fait rater pas mal d’affaires. Jusqu’au jour où un nouveau contrat se présente, qui peut lui faire gagner beaucoup d’argent. La solution  à pas mal de ses problèmes,  car il doit de l’argent à tout le monde et il n’est pas loin de se faire expulser de son appartement. On peut voir,  tout au long du livre, les efforts qu’il fait pour résister subtilement à Babylone afin de pouvoir suivre efficacement cette affaire qui pourrait le remettre à flot.
Cette histoire a été pour moi un magnifique sésame pour avancer avec Lucas et avoir accès à son univers. J’ai eu la chance que Lucas m’ouvre les portes de sa Babylone et, dans la Babylone de Lucas il y avait un véritable trésor.  Comme dans les sabots d’Hélène – de Brassens – il y avait les pieds d’une reine. Encore fallait-il les voir. Lucas m’a dit, par exemple, « Je pense à qui je suis et qui j’ai envie d’être » « je me teste » « Je m’imagine des situations et je me demande comment je réagirais » Autant de pépites qui allaient me révéler ce qui est important pour Lucas dans sa vie. Il ne me restait plus qu’à les accueillir, à les relier au monde réel afin que Lucas en nourrisse sa vraie vie et à les étoffer.
Reconnecter Lucas à ce qui est précieux pour lui, allait pouvoir lui permettre de reprendre confiance en lui.  Il  n’était plus seulement un jeune homme en difficulté scolaire mais aussi et surtout un jeune homme pour qui le respect de soi et des autres, l’honnêteté,  la fidélité, la sincérité, l’humour, la gentillesse sont  le fil conducteur de sa vie. Il m’a même confié qu’il se voyait bien, plus tard, humoriste,  afin de faire rire les gens car Lucas aime quand les gens sont heureux autour de lui. Merci Lucas.
Publié le : 27 novembre 2010 | 3 commentaires | Partager/Mettre en favoris
J’adore Brautigan, surtout dans ses poémes complètement déjantés. Merci de le faire découvrir…
« Nous tenons chacun notre rôle dans l’histoire. Le mien, ce sont les nuages ».
Richard Brautigan
Tokyo-Montana Express
« …afin que Lucas en nourrice sa vraie vie et à les étoffer. »
Très beau lapsus orthographique…
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C’est amusant en effet… Mais le pire c’est que je pense que j’ai vraiment dû croire que ca s’écrivait comme ca. Je n’ai jamais eu de certitude en matière d’orthographe.
Merci Stéphane de me lire.
A bientôt
Dina